Raz el Aïn berceau originel...
Ce matin Jocelyne m'envoie des photos concernant le cimetière espagnol dit cimetière des cholériques ... qu'avec cette première photo mon souvenir s'échauffe :
le coin inférieur droit de la photo, le maigre écoulement d'eau que l'on aperçoit dans son lit plus large, c'est l'eau de l'aïn, de la source qui depuis toujours évacue les pluies infiltrées dans le massif de l'Aïdour qui porte la forteresse et Santa Cruz... La route qu'on voit, rive gauche longer les maisons, monte vers Eckmülh et passera devant des grottes où l'on vérifia la présence humaine au néolithique ...
A droite l'embouchure n'est qu'à quelques centaines de mètres : c'est au moins autant - car le site portuaire initial n'était guère fameux - pour cette eau douce que pour le port que des marins venaient là et parfois s'y installaient : phéniciens, romains, berbères, arabes, espagnols ...
Ils pouvaient produire légumes et fruits dont ils avaient besoin et l'on peut constater au bas de la photo - qui doit dater des années 50 - des lopins et pépinières aussi rangées que les huertas d'Espagne ...
Ces versants iront, par delà l'image, rejoindre ce qui reste de la Calère et par delà Oran actuel ...
La partie haute de la photo, négligeant le promontoire à la végétation ordonnée, connu sous le nom de cimetière des cholériques et que j'évoquerai plus tard, se développe la première et plus grande Casbah d'Oran ...
En 2010 la population de la casbah a été décuplée par l'arrivée massive de campagnards en recherche de terrain bon marché ... Je l'ai traversée une seule fois, avec un copain, à la suite du pari de rejoindre, en direct, la chapelle dont les aménagements venaient d'être terminés ... En footing s'il vous plaît ... D'abord le grand escalier au centre de la photo, sans se douter que nous longions le cimetière des cholériques ... puis un dédale de ruelles pentues, puis la montée dans les pins d'Alep en recoupant parfois la route normale qui s'élevait en lents méandres jusqu' ... jusqu'au moment où, la chute du jour et la fatigue aidant, nous décidâmes de redescendre mais cette fois par la route asphaltée
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Lorsqu'on parle du choléra à Oran, il importe d'éclairer plusieurs points:
- il s'agit de l'épisode de 1849, d'autres épidémies eurent lieu avant 1849 et d'autres après,
- chaque fois ils sont survenus à partir de contaminés arrivant d'Europe et chaque fois l'épidémie a concerné l'Algérie toute entière, pour le moins ...
- Le bilan de cette épidémie de 49 établi par le général Pélissier donnait :
* Personnel militaire : 882 décès
* Personnel civil : 2472 décès dont 1512 arabes
En 1849 la population d'origine europeene se cantonait dans l'espace correspondant à la Marine et la Calère
et le cimetière espagnol ci-dessus était celui des chrétiens tandis que le cimetière musulman s'étendait vers la source du Ras el Aîn en direction d'Eckmülh ...
A propos du choléra c'est une infection contagieuse due à une bactérie liée à l'espèce humaine; d'origine fécale la contamination est orale par l'eau de boisson ou les aliments souillés ... Plusieurs jours de fortes pluies peuvent suffire à lessiver la contamination ... Un agnostique verra là l'explication du miracle de ND de Santa Cruz auquel cas le croyant répondra:"mais qui a fait tomber la pluie ?" ...etc
Laissons parler une contemporaine de l'épidémie de 1849:
Dans « Algérie , un regard », Pauline De Noirefontaine écrit, à propos de cette épidémie : « le choléra a fondu sur notre pauvre ville comme un vautour qui la couvre de ses ailes noires… il est presque impossible de sortir de chez soi ni d’ouvrir sa croisée, sans entendre le râle de la dernière heure, ou voir quelque exposition funèbre…depuis six semaines que le choléra a étendu sur nous son bras de fer, il a déjà fauché le huitième de la population, et le tiers de la garnison, sept médecins, quatre-vingt-cinq infirmiers et douze sœurs de Saint-Vincent-de-Paul... Mais c’est surtout la rapidité avec laquelle on passe de la vie à la mort qui ébranle les âmes les plus intrépides. On ne peut même plus se fier à la jeunesse, à la fraîcheur et à l’éclat des belles années ; le monstre sévit avec une fureur tellement aveugle, qu’il frappe indistinctement jeunes et vieux, faibles et forts, pauvres et riches, sans distinction d’âge, de fortune. »
On enterra donc les victimes dans le cimetière espagnol qui y gagna un second d nom: cimetière des cholériques dont les quelques photos qui suivent datent des années 50.
En 2009 une commission bi-partite visitant ce cimetière écrit : " En descendant nous avons été horrifiés à la vue de l'état du cimetière des cholériques, où le gardien (non rémunéré depuis longtemps) nous a expliqué l'abandon total de ce site par les autorités