Agua ! Agua !
Environ une fois chaque semaine, dans chaque rue de la ville à tour de rôle, on entendait la proclamation: "agua!agua!" qui annonçait le passage du marchand d'eau douce car celle du robinet était franchement saumâtre... L'équipage se présentait comme suit :
...une mule, ou plus souvent bourricot, tirant une carriole débordant de grosses bonbonnes de verre protégées par leurs bandages d'alfa...Le marchand se rangeait au mieux près du trottoir et des portes cochères voisines arrivaient des femmes mais surtout des enfants, qui portant un faitout,qui une petite bonbonne...Moi c'était une bonbonne de 5l et le pourvoyeur me tendait un gros entonnoir cabossé que je tenais ferme et droit dans le goulot de mon récipient...tandis qu'il saisissait une de ses grosses bonbonnes pour me verser le précieux liquide...
...J'admirais sa force et sa précision...Combien pouvaient-ils être de marchands pour une aussi grande ville qu'Oran ?...Au moins une douzaine si l'on pense au temps nécessaire pour remplir les récipients des clients...
C'est vrai que tout le monde n'achetait pas d'eau douce et d'ailleurs à quoi servait-elle? Certainement pas comme boisson quotidienne car il en aurait fallu tellement plus ... Ma brodeuse de mère qui avait les yeux fatigués se faisait des bains d'eau tiède...Les rares fois où elle achetait un quart de beurre à la motte, l'eau douce nous tenait lieu de glacière...J'en suis moins sûr mais je crois qu'elle mettait à tremper les haricots secs...Il me semble aussi que Pépico la préférait pour l'anisette mais pour le café, pas question, au point que plus tard lorsque l'eau douce sera au robinet, il rajoutera une pincée de sel dans sa tasse...